mardi 13 décembre 2011

La création numérique « à la française » s'invite en Inde

13/12 | 07:00 | Jean-Claude Lewandowski

Le groupe Supinfocom vient d'inaugurer un vaste campus à Pune, dans l'Ouest du pays.

La « French touch » de la création numérique est en train d'effectuer une percée en Inde. L'une des institutions phares de cette filière, le groupe Supinfocom, vient en effet d'inaugurer un vaste campus à Pune, une ville de 5 millions d'habitants dans l'Etat du Maharashtra. Un projet qui vise à accueillir un millier d'étudiants, pour un cursus en cinq ans. Et une consécration internationale pour cet ensemble de trois écoles dédiées au jeu vidéo, à l'animation et au design industriel, créé à Valenciennes par la CCI du Grand Hainaut et présent aussi à Arles.
L'histoire démarre en 2006 avec l'initiative du groupe indien DSK, présidé par Deepak Sakharam Kulkarni. Ce milliardaire autodidacte, qui a débuté en nettoyant des téléphones, désire doter son pays d'un centre de formation dédié à la création numérique - un pendant high-tech de « Bollywood », en quelque sorte. Il charge un cabinet-conseil anglo-indien de sélectionner, au plan mondial, le meilleur partenaire possible. Et c'est Supinfocom qui est choisi, en 2007. « De notre côté, nous ressentions la nécessité de nous ouvrir à l'international, afin d'améliorer notre visibilité et d'acquérir une masse critique », explique Francis Aldebert, président de la CCI du Grand Hainaut, pour qui l'accord tombe donc à pic.

Equipements haut de gamme

Deux raisons expliquent le choix de Supinfocom. D'abord, le groupe, peu connu du grand public, dispose pourtant d'une solide renommée dans le monde, acquise notamment en trustant les récompenses lors des grandes compétitions comme Imagina à Monaco ou le Siggraph à Los Angeles. « Les recruteurs comme les étudiants sont très attentifs à ces distinctions », note Anne Brotot, directrice de Supinfocom. Et surtout, la professionnalisation est la marque de fabrique du groupe. « Nos élèves travaillent sur des projets réels d'entreprise, explique Alexis Madinier, directeur des études de Supinfogame Inde. Dès leur arrivée, nous les jetons à l'eau, pour qu'ils apprennent de leurs erreurs. Les cours sont donnés au fur et à mesure de l'avancement des projets. » La réputation de la créativité « à la française », désormais bien établie en matière d'animation comme de jeu vidéo, a fait le reste.
Le groupe DSK a donc édifié pour la nouvelle école un superbe campus « à l'américaine », près de Pune : 15.000 mètres carrés d'espaces verts et de bâtiments modernes, avec résidences étudiantes, cantine de 400 places, logements pour les professeurs. En prime, des équipements au top niveau : écran haute définition, auditorium de qualité professionnelle... « Chaque étudiant dispose d'une station graphique, avec un logiciel d'effets spéciaux. Nous sommes largement au-dessus des autres écoles et même de certains studios », s'enthousiasme Martin Ruyant, directeur de l'école d'animation.
A l'issue de leur formation, les élèves reçoivent le même diplôme que leurs homologues de l'Hexagone, au niveau bac + 5. Ils acquittent pour cela à peu près les mêmes frais de scolarité qu'en France - de l'ordre de 6.000 euros par an. Un tarif très élevé pour l'Inde, mais qui ne rebute pas les familles, très motivées par l'éducation de leurs enfants. Certains étudiants souscrivent un emprunt. Quelques-uns bénéficient d'une bourse offerte par D.S. Kulkarni lui-même. Au plan financier, l'opération est à l'équilibre pour Supinfocom, qui envoie une dizaine de professeurs.
Tout n'a pas été rose au démarrage, en 2009. Les premiers étudiants (et les enseignants) ont essuyé les plâtres. Les candidats, très nombreux, n'ont pas toujours le niveau requis. L'école n'accueille que 400 élèves (ils seront 600 l'an prochain). Il n'empêche : le projet fonctionne, à la satisfaction des deux parties. L'école vient d'être inaugurée en grande pompe il y a une dizaine de jours. Pour l'occasion, la présidente de l'Inde, Pratibha Patil, a fait le déplacement - signe de l'importance que le pays attache à l'opération. « Je ne cherche pas à gagner de l'argent, mais à offrir la meilleure formation possible à nos étudiants, avec les meilleurs outils », assure D.S. Kulkarni, qui a cependant investi 60 millions de dollars dans le projet.
Reste à savoir sur quelles bases va se poursuivre le partenariat. Certains pointent le risque d'un transfert de compétences suivi de pertes d'emplois pour la partie française. Un risque qu'écarte Francis Aldebert : « Nous souhaitons garder dans le Nord la conception et confier plutôt la production à Pune. De toute façon, pour ces métiers, le marché est global. » Déjà, de grands studios comme DreamWorks (près de 300 salariés à Bengalore) sont installés en Inde.

Serre numérique en 2013

Mais l'antenne indienne devrait s'intégrer dans un projet bien plus vaste : dès 2013, la CCI va édifier à Valenciennes une « serre numérique », qui regroupera, outre les trois écoles, un centre de réalité virtuelle, des laboratoires, une pépinière d'entreprises, une structure de transfert technologique... Le tout au coeur d'une zone d'activités dédiée à la création numérique. A terme, l'objectif est d'aboutir à 2.000 emplois - principalement dans le « serious game », un domaine sur lequel la CCI fonde de très gros espoirs. « Les deux projets de Valenciennes et Pune sont complémentaires et nous allons les mener de front, indique Francis Aldebert. Mais il est clair que nous devrons garder une longueur d'avance, en misant sur la recherche. » Raison pour laquelle Supinfocom prévoit de se doter d'une équipe de chercheurs. Le groupe envisage même de lancer une autre opération du même type, au Brésil cette fois.
JEAN-CLAUDE LEWANDOWSKI, Les Echos
Les interviews de D.S. Kulkarni et de Francis Aldebert sur  lesechos.fr/formation

http://www.lesechos.fr/economie-politique/france/actu/0201785760351-la-creation-numerique-a-la-francaise-s-invite-en-inde-262231.php

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire