A lire sur: http://www.zdnet.fr/actualites/creation-de-l-observatoire-des-libertes-et-du-numerique-39797397.htm
Sommaire : Surveillance de masse, NSA, LPM, flicage et fichage galopants... Cinq associations unissent leurs forces pour créer l'OLN: la Ligue des droits de l'Homme, les syndicats de la magistrature et des avocats, et deux associations IT (Cecil et Creis-Terminal).
Espionnage tous azimuts des citoyens, drones, fichage galopant, flicage sans fin... les sujets de préoccupation liés aux technologies numériques abondent, et c'est pourquoi cinq organisations ont présenté cet après-midi la mutualisation de leurs forces dans ce domaine, annoncée à la veille de la Journée internationale de la protection des données personnelles.
La Ligue des droits de l'Homme (LDH), le Syndicat des avocats de France (SAF), le Syndicat de la magistrature (SM), le Centre d'études citoyenneté, informatisation et libertés (Cecil) et leCreis-Terminal étaient réunis au siège de la LDH. Leur union dans le domaine des libertés et du numérique doit leur permettre de "mieux maîtriser le domaine et être plus réactifs", a expliqué Daniel Naulleau (Creis-Terminal), rappelant que depuis 1989 et la création de Delis (Droits et Libertés face à l'Informatisation de la Société), il n'y avait plus eu grand chose de tel.
Objectifs annoncés: sensibiliser et alerter l'opinion publique, utiliser tous les instruments juridiques possibles pour défendre les droits et libertés, initier et encourager les oppositions à tout projet liberticide.
Le monde d'après Snowden et la LPM
Les représentants des cinq organisations ont dressé un tableau du paysage en matière de numérique et de libertés. Ils ont donc rappelé que la loi Informatique et Libertés de 1978 a été graduellement affaiblie, en particulier depuis 2004, date depuis laquelle le régime général pour le secteur public n'est plus l'avis conforme de la CNIL, mais un avis consultatif.
Edward Snowden a été cité à de multiples reprises, de même que la Loi de programmation militaire (LPM). Plus largement, a été relevée "la prolifération des dispositifs technologiques" de surveillance, comme la vidéosurveillance, les puces RFID, les drones, la géolocalisation, la biométrie...
Après les premières révélations dues à Snowden sur l'espionnage massif de la NSA et du programme PRISM, la FIDH (Fédération internationale des droits de l'Homme) et la LDH ont porté plainte ensemble l'été dernier, mais on ne cachait pas cet après-midi un certain scepticisme quant au fait que cette plainte soit finalement instruite, notamment au vu des liens révélés depuis entre les services français et américains et de la LPM votée depuis. "Allons-nous vers la création d'une petite NSA à la française?"
"Frénésie de fichage"
Chantal Enguehard, vice-présidente de Creis-Terminal*, a souligné l'extension du fichage, donnant en exemple les fichiersFNAEG (empreintes génétiques), initialement circonscrit aux délinquants sexuels, puis progressivement élargi à tout et n'importe quoi, y compris aux suspects, et de facto à de nombreux militants, et le FAED (empreintes digitales).
Elle a décrit "une frénésie de fichage" dont la philosophie est "c'est devenu possible, donc on le fait", comme les nombreuses mairies qui exigent 10 empreintes digitales pour un passeport au lieu des deux prévues, et la dérive où "on passe de présumé innocent à présumé coupable". La croissance du FNAEG, de 15.000 personnes fichées au début à 2,2 millions en 2012 (dont 70 % d'individus non condamnés) l'illustre.
Chantal Enguehard a rappelé que la France a été condamnée par la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH) le 18 avril 2013 (affaire M.K. contre France, où cette dernière a été sanctionnée pour violation de l'article 8 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme) pour le FAED, et noté qu'elle le sera sans doute à nouveau, pour les mêmes raisons, pour le FNAEG.
Écoutes téléphoniques
Eric Bocciarelli, du Syndicat de la magistrature, a rappelé le cas de la plateforme nationale des interceptions judiciaires (PNIJ, un projet "salué" d'un Big Brother Award en 2013) qui a confié à un seul acteur, privé, Thales, sans débat préalable, cette future centralisation des écoutes téléphoniques et autres interceptions de SMS et d'échanges numériques. Classé confidentiel défense, ce dossier n'a pas été remis en cause par la nouvelle majorité de 2012, a regretté Eric Bocciarelli.
Les interceptions par la PNIJ suivront "une procédure opaque, très coûteuse" et dont la centralisation ne permettra pas toutes les garanties, a-t-il souligné. L'OLN demande l'annulation du projet ou au minimum des garanties. La réponse à un député de la ministre de la Justice, Christiane Taubira, le 14 janvier 2014, "n'est absolument pas suffisante, notamment quant aux conflits d'intérêt".
Un champ très vaste
Le champ de l'OLN s'annonce donc très vaste, d'autant qu'il inclut l'Internet des objets, les appareillages médicaux connectés (comme les appareils pour malades d'apnée du sommeil), les compteurs intelligents (comme Linky), etc., a précisé Maryse Artiguelong (LDH). « Nous nous opposerons à toutes les demandes démesurées », comme cela a déjà été le cas contre Base Elèves, les empreintes digitales surnuméraires, ou encore le DMP, ce dossier médical personnelqui a déjà englouti un demi-milliard d'euros pour peu de résultats. "Ces offres sont plus au service des lobbys militaro-industriels que des citoyens", a-t-elle déploré.
Pas doté de site web ni de budget dédié, mais comptant utiliser les réseaux sociaux pour diffuser ses prises de position, l'Observatoire des libertés et du numérique a on le voit un immense terrain d'action. Courage!
* Cette informaticienne est par ailleurs parmi les meilleurs spécialistes en France du vote électronique.
Image de Oneras [what about peace?], sous licence Creative Commons CC by-sa
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