A lire sur: http://www.lesechos.fr/entreprises-secteurs/finance-marches/actu/0202845030671-le-crowdfunding-ou-comment-miser-sur-les-pme-via-internet-583026.php
Par Pierrick Fay | 05/07 | 06:00 | mis à jour à 09:34
Par Pierrick Fay | 05/07 | 06:00 | mis à jour à 09:34
Depuis l’avènement du chanteur Grégoire grâce aux producteurs-internautes de My major Company, le crowdfunding ne cesse de se développer en France. Il commence même à toucher le monde des start-up, comme une alternative aux banques et aux business angels . Entre troc, prêt solidaire et capitalisme d’antan, le financement participatif ne manque souvent pas d’attraits, ni parfois de risques.
Les
chanteurs Grégoire et Joyce Jonathan, les films « La Horde », « Noob »,
« Veronica Mars », la restauration de « Les Parapluies de Cherbourg »,
le développement des « Ceinturons de Papa » ou des « Bières de la Goutte
d’or », autant de projets qui ont vu ou vont voir le jour en partie
grâce au crowdfunding
(littéralement le financement par la foule), appelé aussi financement
participatif. Le phénomène n’est pas nouveau : En 1958, John Cassavetes
avait pu financer son premier film « Shadows » grâce à un appel de fonds
au public à la radio. Nombreux sont aussi les peintres ayant échangés
jadis un tableau contre un repas chaud. Mais avec Internet, le phénomène
prend de plus en plus d’ampleur. Ainsi plus d’une trentaine de sites de
financement participatif (Ulule, MyMajorCompany, Sandawe,
KissKissBankBank, Prêt d’Union, HelloMerci, Babyloan, SmartAngels,
Wiseed, Anaxago etc) ont vu le jour ces dernières années. Le marché du
crowdfunding pèse déjà 2,5 milliards de dollars aux Etats-Unis et il
devrait atteindre 80 millions d’euros en France cette année, contre 40
millions collectés en six ans. Tour d’horizon du crowdfunding.
Comment ça fonctionne ?
On
distingue trois types de financement participatif. Il y a d’abord le
don contre don, connu depuis des millénaires sous la forme du troc.
Ensuite, il y a le système des prêts ou du micro-crédit. Certains sont
rémunérés, d’autre non, on parle alors de prêt solidaire. Enfin il y a
le financement d’un projet entreprenarial en échange d’actions. Le plus
complexe et celui qui nécessite le plus de prudence.
Le
système du don contre don est très répandu dans le monde des arts. Les
projets peuvent être modestes (2.700 euros récoltés pour le duo Adèle et Zalem sur Ulule en échange de CD, de cours de musique etc.) ou plus conséquents (plus de 500.000 euros récoltés pour la trilogie Noob
en échange du nom dans le générique, de tee-shirt collector, du DVD ou
même de la figuration dans le film, plus gros financement participatif
réalisé en Europe). Le micro-crédit est aussi très développé et concerne
des projets en France comme à l’étranger, le plus souvent dans le
commerce, l’agriculture etc. Pour Vincent Ricordeau, l’un des fondateurs
de Kiss Kiss BankBank , dans ces deux cas, « la
motivation est de donner naissance à un projet sans qu’il y ait d’autre
retour sur investissement qu’un retour émotionnel. Les gens recherchent
du lien social, un contact basé sur le partage, l’empathie, la
confiance. C’est complètement désintéressé à la différence d’un retour
sur investissement financier ».
D’autres
sites comme Anaxago, HappyCapital ou SmartAngels, sont moins sans
l’idéalisme et se tournent vers le financement des PME et des start-up.
Tout en insistant, la aussi, sur la création d’un véritable lien
social, presque affectif entre les investisseurs et les entrepreneurs.
Pourquoi choisir le « crowdfunding » ?
Pour
certaines entreprises, c’est une alternative aux banques et aux
business angels. C’est notamment le cas des start-up, disposant de peu
de fonds propres, en phase d’amorçage. Il y a souvent l’idée, parfois le
produit et peu de moyens. « Les sociétés de cette taille-là n’ont
pas accès au réseau bancaire ou très difficilement. Pour de bonnes ou de
mauvaises raisons, mais c’est une réalité », selon Benoît Bazzocchi, créateur de , qui revendique 4.000 membres inscrits sur sa plate-forme. « Nous
sommes donc complémentaires. Souvent, des entreprises vont voir des
banques et celles-ci leur expliquent que leur niveau de risque est trop
important. Leur message : capitalisez-vous et on pourra vous prêter. Le
crowdfunding leur permet de faire une augmentation de capital.
D’ailleurs, ce n’est pas forcément le rôle des banques de prêter à des
entreprises trop risquées, c’est celui des actionnaires ».
Pour autant, les sites de crowdfunding ne se substituent pas aux banques. « On
ne prête pas d’argent et on ne gère pas les fonds des clients. On est
dans une démarche d’intermédiaire de conseil et non d’intermédiaire de
gestion. Le client choisit son investissement et il investit lui-même en
direct dans la société. Nous remettons juste un lien direct entre les
investisseurs et les entrepreneurs », explique Benoît Bazzocchi.
Car au bout du compte, c’est l’investisseur, le donateur ou le prêteur qui choisit, rappelle Vincent Ricordeau : «
c’est la règle du financement participatif. C’est la communauté des
internautes qui valide si le projet doit naître ou pas. Ce n’est pas le «
guichet » qui décide d’accorder de l’argent ou pas. Nous faisons tout
de même un travail de modération pour éviter les projets embryonnaires,
mal motivés, mal écrits, avec plein de fautes d’orthographes, où dont
les contreparties ne sont pas bien rédigées. KissKissBanBank n’est pas
là pour financer un mariage ou un divorce».
Combien ça coûte ?
Cela
dépend des projets. Pour les sites de don contre don, cela peut-être un
euro, cinq euros et jusqu’à quelques centaines d’euros. En revanche
pour les sites qui permettent d’investir dans les start-up, la mise de
départ est au minium de 1.000 euros (Anaxago), voire 5.000 euros
(SmartAngels). Au passage, il faut savoir que le site qui met en
relation les entreprises et les investisseurs prend sa dîme, en général 5
% TTC sur les collectes, plus 3 % de frais bancaires. « Nous sommes avant tout des entrepreneurs
», rappellent ainsi les responsables de KissKissBankBank. Mais si le
projet de se fait pas, l’argent est rendu aux investisseurs et la
plupart des sites ne prennent pas de commission dans ces cas-là.
Il
faut dire aussi que ces sites de crowdfunding ne se contentent pas de
mettre en relation des projets et des financements. Pour Benoît Bazzochi
de SmartAngels, « notre métier, c’est sélectionner des entreprises
à fort potentiel de croissance, les analyser, travailler avec les
entrepreneurs pour définir une opération, mettre en place la
documentation qui permet de présenter à des investisseurs un projet
complet etc. Nous répondons à un besoin de simplification pour les
émetteurs pour que la relation soit fluide, là où un processus de levée
de fonds est toujours très compliqué ». SmartAngels indique ainsi
recevoir deux ou trois demandes par jour de la part d’entreprises, mais
n’a pas vocation à présenter pour l’instant plus de 10 à 15 dossiers par
an à ses membres. « Les critères de sélection, c’est le potentiel
de croissance, le produit sur son marché et la qualité de l’équipe de
management. On fait un gros travail de sélection en amont avec les
dirigeants. On se rapproche assez du travail effectué par les fonds
d’investissement».
Quels sont les risques ?
Ne
pas recevoir la contrepartie promise ou pire perdre la totalité de
l’argent que l’on a investi ou prêté. Il faut savoir qu’au premier
trimestre 2012, plus de 9 entreprises sur 10 ayant fait faillite avaient
moins de 10 salariés et plus d’une entreprise en faillite sur deux
avait moins de 5 ans… Globalement, les caractéristiques des entreprises
en recherche de capitaux sur ces sites. Le site WiSSED rappelle aussi aux investisseurs potentiels les aléas du capital risque : «
sur 10 entreprises investies, 3 seront liquidées (perte totale de
l’investissement), 2 permettront un multiple de 10 ou plus, le gain sur
les autres sera entre fois 1 et fois 3 ».
Le
risque est donc réel et supérieur à la Bourse qui a l’avantage d’être
plus liquide et de donner surtout une indication en temps réel de la
valeur de son actif. « Nous insistons beaucoup auprès de nos
investisseurs sur la notion de risque. La perte en capital peut être
totale et le second risque, c’est l’illiquidité », avertit Benoit Bazzocchi. « C’est
un investissement que vous pouvez faire pour une durée illimitée,
supérieure à ce que vous aviez prévu. Donc il ne faut pas investir de
l’argent dont vous pensez avoir besoin dans trois ou cinq ans. Mais il y
a une contrepartie : un potentiel de gain important, car nous arrivons
peu après la création de la société. Et cela vaut le coup d’investir au
plus tôt dans les entreprises. C’est un couple rendement/risque assez
classique. Ce doit être perçu comme une diversification dans des
sociétés non cotées ». Le site Happy Capital propose d’ailleurs aux investisseurs de répartir le risque « entre une société qui démarre et une société qui a plusieurs années d’existence et dégageant déjà du résultat ».
Concernant
le don contre don, le risque est financièrement limité puisque en
moyenne la contribution financière des internautes est de l’ordre de 50
euros. En revanche, constate Vincent Ricordeau de KissKissBankBank, « le
risque est pour le créateur de projet. Il se met un peu à nu sur la
plate-forme. Il présente son projet, il contacte tous les gens qu’il
connaît. S’il réussit, la confiance engrangée est monumental. S’il
échoue ? Et bien l’échec fait partie intégrante du métier d’entrepreneur ».
La
question de la sortie est tout de même cruciale car toutes les
entreprises n’ont pas vocation à aller en Bourse. En cas de montée en
puissance de son activité, l’entreprise peut aussi être rachetée par un
concurrent où les dirigeants peuvent aussi choisir de racheter les
titres des minoritaires. A quel prix ? « La valorisation est une
question de négociation entre les parties. Souvent toutes ces questions
sont anticipées dans les pactes d’actionnaires », reconnaît le
créateur de SmartAngels. Des sorties anticipées peuvent aussi être
prévues, mais la durée recommandée d’investissement est de l’ordre de 3 à
7 ans, pour « laisser à l’entreprise le temps de créer de la valeur ».
En
même temps, SmartAngels constate que les investisseurs sur le site sont
souvent des gens avertis, des cadres supérieurs, mais aussi des chefs
d’entreprises qui n’ont en général « que peu de temps à consacrer à
leur activité d’investissement, mais qui ont envie de participer à des
aventures entrepreneuriales passionnantes ».
La carotte fiscale
« Ce n’est pas la motivation première de nos membres »,
assure SmartAngels. Certes, mais la plupart des sites de crowdfunding
mettent bien en avant les avantages en termes fiscaux de
l’investissement dans les PME. « Déduisez jusqu’à 18.000 euros de votre impôt sur le revenu et 45.000 euros de votre ISF
», peut-on lire sur le site d’Anaxago. Sous certaines conditions : la
PME doit être européenne, avoir moins de 250 salariés, réaliser moins de
50 millions de chiffre d’affaires et être en phase d’amorçage, de
démarrage ou d’expansion. Il faut aussi s’engager à conserver les titres
de la société durant cinq ans. Wiseed qui rappelle au passage que la «
réduction d’impôt est un argument marketing fort qui permet, dans
de trop nombreuses situations, de faire réaliser des investissements non
rentables par les épargnants ». Dans tous les cas de figure, il
est conseillé de n’investir que dans un projet auquel on croit et que
l’on comprend. Une règle qui a rendu Warren Buffet milliardaire.
Au
final, le crowdfundind remplit aujourd’hui un vide. Il permet à des
artistes, à des porteurs de projets, à des commerçants de faire vivre
leur projet, de se lancer. Internet leur permet aussi de toucher un plus
grand nombre de donateurs, de prêteurs ou d’investisseurs, mais n’est
en rien une garantie de succès. Le crowdfunding est encore dans
l’adolescence, constate Damien Duquesne,fondateur de UStartMe . «
Il y a une énorme différence avec les Etats-Unis dans le financement des
entreprises. Il faut le temps que ca démarre, car ce n’est pas si
évident de trouver des investisseurs et il faut que ce soit bien
organisé pour arriver à gérer des dizaines d’actionnaires lorsque vous
êtes une start-up ». En attenant que le système passe à l’âge
adulte, les fondateurs de UStartMe se sont tournés vers un autre modèle :
un réseau social mettant en relation des jeunes entreprises à la
recherche de compétences, de gens prêts à intégrer un projet comme
associé ou comme freelance, avant de les aider ensuite à trouver des
financements auprès des plate-formes de crowdfunding ou de business
angels.
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