dimanche 16 mars 2014

Pas de redressement productif sans redressement "créatif"

A lire sur: http://www.usinenouvelle.com/article/pas-de-redressement-productif-sans-redressement-creatif.N235835#xtor=EPR-192

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Alain Cadix

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Cette semaine, Alain Cadix se penche sur le redressement "créatif", qui intègre les innovations numériques et le design et qui, selon lui, entraînera dans son sillage le redressement productif. Chargé de la Mission Design par les ministres du Redressement productif et de la Culture, ancien directeur de l'École nationale supérieure de création industrielle, conseiller technique au CEA, il expose chaque semaine pour L'Usine Nouvelle sa vision des mutations de l'industrie par le prisme du design et de l'innovation.
Le redressement productif fait les unes des médias. Cette expression concerne l’industrie dans son acception la plus large ; elle inclut l’industrie des services, grand utilisatrice de TIC. Du reste, avec la révolution numérique, la frontière traditionnelle entre industries et services est de plus en plus ténue.

Ce relèvement attendu a besoin, pour advenir, outre de confiance en l’avenir, de vecteurs qui le portent. A cet égard nous soutenons que le numérique et le design sont les deux catalyseurs du redressement productif (1er postulat). Pour continuer avec l’analogie, il convient d’ajouter que design et numérique ne se substituent pas aux réactifs qui sont mécaniques, électriques, chimiques, agricoles, etc. ; le numérique ayant la particularité d’être à la fois catalyseur ici et réactif là.
LE DESIGN ET LE NUMÉRIQUE, VECTEURS DE MODERNITÉ
La réaction attendue c’est, justement, le redressement. En effet, le design et le numérique modifient profondément l’offre industrielle, sa nature, les processus de conception, de développement, de production, de diffusion des "objets" (produits, machines, services, systèmes, espaces, graphies). Ils sont l’un et l’autre, et souvent l’un avec l’autre, des vecteurs de modernité.

Si l’ambition (il faut y croire) est de faire de la France un des hauts lieux de la création industrielle au 21ème siècle ; si, prolongeant la tradition de l’élégance et du goût français, elle est de proposer une esthétique du nouveau monde industriel, alors cela passe par le "redressement créatif" de notre pays et mobilise le monde de la création dans sa globalité. Il ne peut y avoir redressement productif sans redressement créatif (2ème postulat), pour reprendre une expression que la ministre de la Culture, et pour cause, affectionne.

Le redressement créatif est le fruit à éclore d’une politique éducative. Au-delà de la nécessaire acquisition, à tous âges, de connaissances dans le champ de la culture et des arts, dont les arts industriels, où s’expriment les techniques traditionnelles et nouvelles, cette politique devrait, dès le plus jeune âge, rétablir une culture esthétique et devrait mettre en avant la pratique de l’observation et de la création. Elle devrait ainsi contribuer à redonner le goût du faire, quand la "meilleure éducation" lui a substitué, depuis longtemps, la fascination du penser.
LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES DOIVENT S'OUVRIR AU DESIGN
Le redressement créatif, moteur d’un renouveau industriel, est aussi le fruit d’une "propagation" de la création dans l’industrie ; c'est-à-dire, notamment, d’une politique de promotion du design.

Le redressement créatif doit mobiliser la sphère publique, au-delà de l’aide directe à la diffusion du design. L’Etat, ses agences, et les collectivités territoriales devraient s’ouvrir, plus qu'ils ne le font, au design pour contribuer à imaginer un monde différent, des pratiques différentes, des services différents qui répondent à la multitude des défis à relever, qui bouleversent l’offre des institutions publiques, mais aussi entrainent celle des entreprises : vieillissement des populations, disparités spatiales (concentration urbaine, expansion périurbaine, désertification rurale), inégalités devant l'accès aux soins, à la culture, à l'éducation, précarités et décrochages, handicaps, dégradation écologique, etc.
Les pouvoirs publics devraient même mettre un point d’honneur à donner l’exemple par un recours à la fois intelligent et audacieux aux designers à travers la commande publique dans sa pluralité (marchés, appels à projets, appels d’offres, etc.) pour répondre à ces défis et ajouter une part de poésie à la vie des gens.

Dans la sphère privée, dans notre industrie, le grand défi culturel et organisationnel de ce temps réside dans le passage du centrage sur la technologie, dans un sens très général, dans les processus d’innovation, au centrage sur l’usage, sur l’usager ; et, corollaire, le passage du designer-styliste convoqué en bout de chaîne de conception, au designer co-concepteur des objets avec l’ingénieur, voire au designer-architecte des objets ; dans tous les cas impliqué dès l’émergence de l’idée de l’objet, et même avant.
C’est un objectif central pour contribuer à renouveler notre offre et, par ricochet, regagner des parts de marché. Pour promouvoir la création française et soutenir la "marque France", mais aussi, et d’abord, pour rendre plus convenable la vie quotidienne des gens.
Bien sûr le design ne résoudra pas tout, mais il y contribuera. Cette ambition, au niveau national, passe par la conjonction d’ambitions régionales de même nature qui devraient s’exprimer à l’unisson.
Alain Cadix, chargé de la Mission Design auprès des ministères du Redressement productif et de la Culture.

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