A lire sur: http://www.zdnet.fr/actualites/tv-du-futur-les-americains-ouvrent-la-voie-39795627.htm
Sommaire : Le site américain Business Insider vient de mettre en ligne son étude « The Future Of Digital 2013 » dont une partie est consacrée à l’évolution du marché de la télévision aux Etats-Unis. Un avant-goût de ce qui pourrait arriver en France ?
L’étude de Business Insider retrace les grandes tendances de l’évolution de la consommation de la télévision aux Etats-Unis et permet d’entrevoir ce que beaucoup appellent le « changement de paradigme », à savoir le fait que la télévision se fait grignoter jour après jour des parts de marché par la vidéo sur internet et que des équilibres nouveaux pourraient voir le jour très rapidement, comme l’expliquait cet article des Inrocks du 29 juillet 2013 : « Cerise sur le gâteau, Netlifx “offrait” à ses abonnés l’intégralité de la première saison (House of Cards) ce jour-là. Un changement de paradigme à Hollywood, où depuis plus de soixante ans, les chaînes de télévision conservaient la mainmise sur les séries sans se poser de questions. » Et bien l'heure des questions est arrivée, et les chaînes de télévision vont devoir y répondre sous peine de se faire engloutir par la vague de la vidéo sur internet et sur les mobiles, comme en témoigne l'évolution de la consommation des médias par les américains.
Les Big 4 menacées
Depuis 2007, les audiences des 4 principales chaînes de TV américaines (ABC, NBC, CBS et Fox) sont sur une tendance baissière assez prononcée. Le site Mediamerica écrivait en décembre 2012 à la suite de la Conférence « Future of the Television » : « Qu’il s’agisse de création, de financement, de marketing, de mode de distribution ou de consommation, les intervenants ont décrit une industrie en profonde transformation. Matt Graham, Director, Content Development de PBS interactive, a qualifié la situation actuelle de « période révolutionnaire punk rock », et les panélistes se sont accordés sur le fait que les sociétés et les acteurs du marché investissaient en ce moment sans vraie stratégie, en prenant des paris ; dans ce climat qualifié de chaotique, qui évolue à grande vitesse, les perspectives d’avenir de la télévision sont pour eux incertaines. »
Dans le même temps, les chaînes payantes (HBO, Cinemax, Starz, Showtime, Epix) perdent aussi régulièrement du terrain. C’est un fait : les Américains sont en train de changer leurs habitudes de consommation de la télévision. Peu à peu, la vidéo sur internet, qu’elle soit payante ou gratuite, ronge inéluctablement les audiences des acteurs historiques. Le phénomène de « cord-cutting » qui consiste à renoncer à un abonnement au câble, prend de l’ampleur mois après mois. Un Américain expliquait au cours d’un panel consacré à la télévision : « Beaucoup de gens sont comme moi. J'avais le câble tant que je vivais chez mes parents (qui paieront probablement pour le câble tout le reste de leur vie). Une fois que j'ai volé de mes propres ailes, j'ai arrêté de payer pour le câble et je n’ai pas acheté de téléviseur. A la place, j'ai commencé à consommer un cocktail de Hulu Plus, Netflix, iTunes, etc pour mes besoins de programmes, visibles sur un certain nombre de dispositifs et transportable. »
Au-delà des raisons spécifiques au marché américain de la télévision qui peuvent à elles seules expliquer une partie du changement de comportement des téléspectateurs (importance de la publicité dans les programmes, programmation, prix des abonnements au câble, disparition de Blockbuster), il n’en demeure pas moins que ces modifications risquent de se propager très rapidement au-delà des Etats-Unis et de toucher l’Europe. Avec des conséquences qui pourraient être lourdes pour la création audiovisuelle européenne, et plus particulièrement pour le système français.
Netflix, le symbole de la "nouvelle télévision"
Avec ses 31 millions d’abonnés aux Etats-Unis (38% des foyers américains selon l’étude de Business Insider) Netflix symbolise et domine le marché de la TV délinéarisée. Mais il n’est pas seul : Amazon et Hulu offrent aussi des programmes à la demande sur des centaines de terminaux autres que la télévision, donnant une impression de liberté absolue à leurs abonnés. Au cumul, ce sont plus de 40 millions d’Américains qui consomment séries, films et émissions TV sur ces nouvelles plateformes.
En 7 ans, entre 2005 et 2012, les acteurs de la vente de programmes à l’acte ou par abonnement sur internet ont réussi à s’imposer aux Etats-Unis, mais aussi dans le monde entier. Le succès mondial d’iTunes et le déploiement international de Netflix en sont une preuve tangible. Les revenus des contenus digitaux dépassent 23 milliards de dollars en 2012, tirés par la vidéo qui a réalisé plus de 5,5 milliards de dollars de recettes en 2012. Et comme le montre le tableau ci-dessous, Youtube contribue aussi à développer le marché de la vidéo sur internet et s’apprête à franchir de nouvelles étapes avec le lancement de chaînes dédiées, les Multi-Channel Networks. En France, c’est Canal Plus qui a fait l’annonce la plus fracassante en prévoyant de lancer 20 chaînes Youtube dans les prochains mois.
Aujourd’hui Youtube a dépassé le réseau de télévision AMC en recettes publicitaires : 1,5 milliard de dollars en 2012 contre 1,3 milliard pour AMC qui regroupe les chaînes de TV AMC, WeTV, IFC et Sundance Channel et qui gère un portefeuille de plus de 1.000 annonceurs. AMC est aussi un diffuseur innovant aux Etats-Unis, mondialement reconnu pour la diffusion des séries The Walking Dead, Mad Me et Breaking Bad. Certes CBS, l’une des Big 4, reste loin devant, mais combien de temps faudra-t-il à Youtube et Netflix pour rattraper et dépasser les leaders historiques ? Netflix s’est fixé un objectif de 100 millions d’abonnés dans le monde, ce qui en ferait le portail de programmes le plus puissant du monde ; quant à Youtube, les prévisions font état d’un chiffre d’affaires publicitaire de 15 milliards de dollars en 2020.
Le succès de Facebook est tel que sur la cible 18-24 ans, son audience est supérieure à celle de la télévision aux Etats-Unis. Pas étonnant puisque selon les derniers chiffres publiés par Comscore, Facebook a diffusé 1,3 milliard de vidéos aux Etats-Unis en octobre 2013 qui ont été vues par 70 millions d’internautes. Des chiffres encore très éloignés de ceux de Youtube, mais qui démontrent la capacité du réseau social à devenir une alternative à la télévision pour les cibles de population les plus jeunes.
Source : Comscore - D.R.
Quel effet de propagation ?
Pour l’instant, le marché TV français est très peu impacté par ce phénomène. Au moins en apparence. Les audiences TV semblent tenir bon, comme en témoignent les chiffres Médiamétrie d’octobre 2013 avec + 3 minutes sur les individus de 4 ans et plus par rapport à octobre 2012, même si sur une longue période, l’effritement est certain.
Source : CSA - D.R.
Source : Médiamétrie - D.R.
Ce qui offre un répit à toute la profession pour mesurer les effets de cette inévitable évolution du marché et de s’organiser pour éviter le pire. La vague des services OTT (over the top) ne fait que commencer. Ce n'est pas un hasard si les rumeurs du lancement de la clé Chromecast de Google se font de plus en plus insistantes. La télévision du futur se fera avec Netflix, iTunes, Google, Youtube, Facebook et tous les acteurs du numérique susceptibles de séduire la génération C, la génération des jeunes et des moins jeunes ultra-connectés.
Aux héros de la télévision traditionnelle de s’inventer un futur pour rester sur le haut de la vague numérique. Cela ne va pas être simple car les acteurs de ce nouveau marché de la télévision mobile et délinéarisée échappent pour le moment aux contraintes légales, qu'elles soient fiscales ou réglementaires.
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