A lire sur: http://www.zdnet.fr/actualites/pour-l-arcep-le-secteur-des-telecoms-n-est-ni-dynamite-ni-devaste-ni-sinistre-au-contraire-39788479.htm#EREC-103
Dans quel état est le secteur français des télécoms ? La question
mérite une nouvelle fois d'être posée tant les perceptions et les
déclarations divergent. En effet, depuis l'arrivée de Free Mobile, la
plupart des acteurs multiplient les déclarations dramatiques : baisse de
revenus, conséquences massives sur l'emploi, chutes des
investissements, année noire...
Un paysage noir repris d'ailleurs à l'envi par de nombreux rapports parlementaires,
dont le dernier
rédigé par les députés Erhel et de la Raudière faisant état d'un
secteur "crispé" où les opérateurs subissent une baisse des prix qui
entraîne "une destruction de valeur". La régulation en prend également
pour son grade, accusée d'avoir trop privilégié le consommateur sans
étudier l'impact économique d'un nouvel entrant.
On
s'était presque habitué à ce discours alarmiste justifiant les
différents plans sociaux des opérateurs et des distributeurs annoncés en
2012 et début 2013. Mais pour l'Arcep, le régulateur des télécoms qui
faisait ce jeudi son point presse annuel, tout cela relève du fantasme.
"Illusion d'optique"
"On
est très loin d'un secteur dynamité, dévasté, sinistré. Beaucoup de
pronostics ont été déjoués, il n'y a pas eu d'effet dévastateur suite à
l'arrivée de Free Mobile", lance Jean-Ludovic Silicani, président de
l'Autorité.
Et de poursuivre : "L'investissement est resté
exceptionnel, les revenus sont en hausse et l'emploi est stable.
L'animation concurrentielle a maintenu l'activité à un niveau élevé.
Certes, la situation est différente mais elle est solide".
Chiffres
à l'appui, l'Arcep entend prouver son constat. Si les revenus des
opérateurs ont quasiment tous baissé en 2012 (de -5% pour France Télécom
à -9% pour BouyguesTel pour une baisse moyenne globale de 3,5% à 41
milliards d'euros), il s'agit d'une "illusion d'optique", souligne le
président.
"En excluant les effets de la baisse des terminaisons
d'appel [prix de gros que se payent entre eux les opérateurs pour
acheminer les appels, NDLR], les revenus globaux des opérateurs sont
stables : +0,1%".
"Ce n'est pas un miracle, nous sommes entrés
dans un nouveau modèle économique avec de nouveaux gains de
productivité. Le secteur n'est pas mâture, il est au contraire en pleine
croissance. Les Cassandres annonçaient un désastre, or le PIB du
secteur des télécoms s'est accru de plus de 6% en volume", poursuit
Jean-Ludovic Silicani.
Stabilité de l'emploi
Du
côté de l'emploi, le constat est le même. "On nous annonçait jusqu'à 60
000 destructions de postes, nous mêmes tablions sur 10 000 emplois en
moins. La réalité est proche de zéro", assène le président. De quoi
calmer les cris d'orfraie des opérateurs ? Les chiffres de 2013 seront
peut-être bien différents...
"L'emploi est stable à environ
129 000 postes chez les opérateurs et il y aura même une petite
croissance en 2012. Les centres d'appel ont vu leurs revenus augmenter
de 4% donc je ne vois pas pourquoi il y aurait un impact sur l'emploi.
Quant à la distribution, les suppressions sont localisées et résulte des
choix stratégiques des opérateurs de réintégrer une partie de cette
activité", souligne le président de l'Autorité.
Enfin, concernant
l'investissement, l'Arcep a voulu là encore contester une perception
sous-entendant une baisse des dépenses. Le régulateur évoque un "niveau
record" qui dépassera les 9 milliards d'euros contre 8,2 milliards en
2011.
Rappelons néanmoins que ces sommes incluent le paiement des
licences 4G et quelques tour de passe-passe de certains opérateurs. Le
rapport Erhel/de la Raudière estime ainsi que "Free Mobile privilégie
l'investissement dans les boxes
au détriment des équipements de réseaux ou de la modernisation des
infrastructures".
L'achat de box peut-il être considéré comme un
investissement ? L'Arcep promet de regarder ça de près à travers son
Observatoire des investissements.
Bref, l'Arcep a tenu à briser le
pessimisme ambiant, justifiant indirectement son rôle et ses actions.
Il faut dire que l'Autorité est régulièrement critiquée et la fuite dans
la presse
d'un document de Bercy prévoyant de retirer la quasi totalité de ses prérogatives a confirmé cette hostilité.
Pour autant, ce document provisoire qui a fait grand bruit "ne reflète
absolument pas la position du gouvernement. Le cabinet du Premier
ministre me l'a confirmé personnellement", assure Jean-Ludovic Silicani.
"Il s'agit d'un document de travail et le rapport final ne reprendra
pas les propositions évoquées ni les critiques infligées à l'Arcep".
Le
gouvernement est-il passé maître dans l'art du grand écart ? On en
saura plus à la publication de la version définitive mais une chose est
sûre, l'Arcep est convaincue de son action et n'entendra pas être diluée
sans combattre...
Skype, Free/YouTube, SFR et la neutralitéL'Arcep a également évoqué certains sujets d'actualité récente.
Dans l'affaire Skype,
l'Arcep "ne comprend pas" pourquoi le service refuse de se déclarer en
tant qu'opérateur de communications alors que "manifestement, Skype
propose un service de téléphonie". "Ils refusent de respecter la loi,
c'est un délit", lance Jean-Ludovic Silicani qui assure par ailleurs ne
pas avoir subi la pression du gouvernement qui souhaiterait que le
service soit "écoutable".
Concernant le dossier
Free/YouTube,
l'Autorité indique que la procédure se poursuit même si la "qualité de
service semble s'être améliorée". "Mais nous n'avons pas encore tous
éléments pour tirer des conclusions". L'Arcep planche toutefois sur la
mise en place d'un standard afin d'interdire toute gestion de trafic
discriminatoire.
Enfin, dans le dossier SFR,
accusé de violer
la neutralité du Net en tripatouillant le code source des pages Web
affichées sur les écrans de ses abonnés mobiles, l'Arcep indique avoir
pris connaissance du problème et a écrit à SFR. "Nous aviserons en
fonction de ses réponses", assure-t-elle.