A lire sur: http://www.lesechos.fr/idees-debats/editos-analyses/0203496741302-doit-on-craindre-un-remake-de-la-bulle-internet-671698.php
Marina Alcaraz / Journaliste |
Marina Alcaraz / Journaliste |
Le plongeon de plusieurs valeurs stars du Net, ces dernières semaines, rappelle à bien des égards le début des années 2000. Mais l'époque a bien changé. La plupart des groupes de la high-tech sont beaucoup plus solides.
« Nous sommes face à notre deuxième bulle technologique en quinze ans ». La mise en garde de David Einhorn, l'un des gérants stars de hedge fund, s'ajoute à la voix des dizaines d'anonymes, qui s'inquiètent de plus en plus des similitudes avec le début des années 2000.
La déroute des valeurs Internet depuis quelques semaines a fait resurgir les pires cauchemars des investisseurs. Le réseau social Facebook a chuté de 20 %, depuis début mars. Le cours du site de micro-blogging Twitter a été divisé de près de moitié depuis fin février. Et la dégringolade est encore plus marquée pour des sociétés moins connues du grand public. En termes de capitalisation boursière, ce sont presque 200 milliards de dollars qui sont partis en fumée en un peu plus de deux mois pour les 15 premiers groupes Internet du Nasdaq.
Cette violente correction est d'autant plus inquiétante qu'elle intervient après des mois d'euphorie. L'indice Nasdaq avait atteint, début mars, un plus haut depuis… le printemps 2000 justement.
Les fusions-acquisitions dans la tech ont connu leur meilleur premier trimestre depuis 2000, dans le monde, avec notamment l'offre de Facebook sur WhatsApp. Sur le front des introductions en Bourse (IPO), on n'avait pas vu non plus une telle effervescence depuis quinze ans. Et l'arrivée d'Alibaba, le géant chinois du commerce en ligne, va encore renforcer cette tendance.
Signe inquiétant, comme en 2000, la plupart des nouvelles venues à la cote sont déficitaires. Sur les trois premiers mois de l'année, 83 % des sociétés introduites en Bourse aux Etats-Unis ont essuyé des pertes le trimestre précédant leur IPO, soit quasiment le niveau observé début 2000 (84 %).
Pour ajouter à la comparaison, plusieurs des récentes cotations ont connu des débuts en fanfare, étonnant même les banquiers. « On observe le même grain de folie qu'il y a quinze ans. Les investisseurs et des analystes ont tendance à se concentrer sur l'avenir lointain et les parts de marché par opposition aux profits », observe Pierre-Yves Gauthier, chez AlphaValue.
Pourtant, de l'avis de la plupart des spécialistes, il est encore bien trop tôt pour imaginer un scénario catastrophe comme à l'époque. S'il y a bel et bien des similitudes avec la bulle des TMT (le célèbre acronyme technologie-média-télécom), les différences restent flagrantes.
D'abord, sur l'ampleur du phénomène. Certes, certaines valeurs ont enregistré des plongeons spectaculaires, mais la baisse du Nasdaq a été, elle, contenue à 5 %, depuis début mars. Et à y regarder de plus près, de gros mastodontes de la tech, comme Apple ou Microsoft, ont même grimpé ces dernières semaines. Le mouvement est aujourd'hui très violent, mais reste concentré sur quelques sociétés, avec des valorisations élevées.
La physionomie du marché a changé. Le Nasdaq compte environ 2.500 valeurs, soit presque deux fois moins qu'au moment de la bulle, où de nouvelles jeunes pousses fleurissaient presque chaque jour. Avec seulement quatre ans d'existence, en médiane, bon nombre de tech' arrivant en Bourse étaient des quasi-inconnues. L'enthousiasme des managers et l'envie de rêver des investisseurs à une « nouvelle économie » suffisaient souvent à convaincre de leur modèle.
Aujourd'hui, la plupart des sociétés Internet sont plus matures et solides. Le Web alors balbutiant est devenu incontournable. « Le business model a été éprouvé », résume Vincent Formery, chez CPR AM. Quelques chiffres témoignent bien du changement d'époque : en 1999, les IPO dans la technologie aux Etats-Unis affichaient des ventes médianes de 12 millions de dollars, contre 106 millions, pour celles de 2013, selon Jay Ritter, professeur à l'université de Floride. Par exemple, Twitter, coté depuis la fin de l'année passée, a enregistré des revenus de 665 millions de dollars.
Certes, beaucoup n'ont toujours pas de profit à montrer, mais lorsqu'un groupe en «.com » se présente au marché avec des faiblesses, Wall Street peut être sans pitié. En témoigne King, l'éditeur du jeu Candy Crush, qui a chuté pour ses premiers pas en Bourse, critiqué pour sa dépendance à un seul jeu. Ou encore Weibo, le Twitter chinois, qui a dû revoir la taille de son introduction. « Le marché est bien arbitré, dès qu'il y a de l'excès », souligne Greg Revenu, chez Bryan Garnier. Et, les particuliers sont moins nombreux.
La valorisation du marché dans son ensemble n'a rien à voir. En début d'année, le ratio cours/bénéfice du Nasdaq était de 22 fois, contre 60 en 2000, selon les données de la Société Générale. « Les valorisations de l'époque ne voulaient plus dire grand-chose. On en était arrivé à utiliser les « miles » des compagnies aériennes, comme un indicateur financier ! », se souvient Pierre-Yves Gauthier.
Au début des années 2000, les investisseurs avaient tendance à croire que les sociétés plus ou moins liées à Internet allaient toutes profiter de ce nouveau média. Alors que dans les faits, on ne compte plus les faillites retentissantes de celles ayant de bonnes idées, certes, mais sans doute pas le sens du timing ou tout simplement des affaires. « Aujourd'hui, la problématique est totalement différente : on se demande comment une société va réussir à gagner plus d'argent, pas si elle va fermer », résume Vincent Formery. Alors, l'éclatement de la bulle restera-t-elle seulement un vieux souvenir ? « Attendons quelques mois avant d'émettre un jugement définitif », conclut Benoît Flamant, chez Fourpoints IM.
Marina Alcaraz
Journaliste Marchés aux « Echos »
Les points à retenir
La déroute des valeurs Internet depuis quelques semaines a fait resurgir les pires cauchemars des investisseurs.
En terme de capitalisation boursière, ce sont presque 200 milliards de dollars qui sont partis en fumée en un peu plus de deux mois pour les 15 premiers groupes Internet du Nasdaq.
Pourtant, il serait hâtif de faire un parallèle avec le krach des valeurs high tech intervenu au début des années 2000.
En terme de capitalisation boursière, ce sont presque 200 milliards de dollars qui sont partis en fumée en un peu plus de deux mois pour les 15 premiers groupes Internet du Nasdaq.
Pourtant, il serait hâtif de faire un parallèle avec le krach des valeurs high tech intervenu au début des années 2000.
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