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La génération Y n’a pas forcément développé le sens collectif. Comme les divas, elle exige du manager une prise de recul et un sens de la négociation.
Si le discours managérial donne souvent beaucoup d’importance à l’équipe, la plupart des managers ont l’impression d’avoir surtout des cas individuels à traiter.
Dans une étude auprès de 250 cadres d’une compagnie d’assurances, il
leur était demandé de choisir le principal problème de management de
proximité alors rencontré. Il s’avère que la plupart concernaient des
personnalités difficiles et des agents qui n’avaient toujours pas
intégré que tout salaire mérite travail. Ces personnalités difficiles ne
relèvent pas le plus souvent de cas pathologiques comme la
« psychopathologisation » ambiante du travail veut nous le faire croire,
mais plus simplement de personnes avec lesquelles il est difficile de trouver un seul terrain de dialogue en commun ou de partager les moindres valeurs nécessaires au vivre ensemble.
Le terme le plus généralement associé à ces individus est celui de
« diva », faisant référence à ces chanteuses d’opéra susceptibles et
égocentriques que les pauvres directeurs d’opéra ont du mal à
« gérer ». C’est la Castafiore dans Tintin, qui s’impose, terrorise,
mais séduit aussi. En un mot, elle agace mais elle est indispensable.
Curieusement, il n’y a pas que les artistes, les journalistes dans un
organe de presse, les médecins dans un hôpital ou les professeurs dans
une école ou une université : de plus en plus de managers d’entreprise
ont l’impression d’en avoir aussi dans leurs équipes.
Ce sont souvent des experts pointus qui n’ont jamais
d’interlocuteurs valables parmi leurs collègues, des professionnels qui
se sentent plus proches de leur collègue chez le concurrent que de leurs
clients internes. On pourrait d’ailleurs se demander si les générations
nouvelles ne sont pas « divas ». Si le lecteur n’est pas totalement
convaincu de la pertinence du concept de « génération Y », c’est sans
doute, pour les plus anciens, parce qu’ils ont connu la X il n’y a pas
si longtemps en attente de la Z puis de la AA
si l’on reste sur une ligne minéralogique. Tous les auteurs sur la
génération Y ne s’accordent pas sur la date de naissance ni sur toutes
les caractéristiques de cette génération supposée, et il paraîtrait même
qu’elle ne serait pas identique dans toutes les cultures. Certes, les
« Y » ont une intensité d’utilisation d’Internet et de Facebook dont
leurs aînés ont été privés, mais beaucoup des caractères qui leur sont
attribués traduisent surtout la distance éternelle, la crainte et la méconnaissance des plus anciens vis-à-vis des plus jeunes.
Évidemment, les générations nouvelles ont une grande expérience du
collectif, mais pas forcément celle sur laquelle est implicitement fondé
le management. La question n’est pas de savoir si l’une est bonne,
l’autre mauvaise, ni de pleurer un paradis perdu en jouant le rôle de
ces vieux qui critiquent les successeurs qu’ils ne veulent plus faire
l’effort de comprendre. La question est plus banale, elle concerne un
décalage entre un mode de fonctionnement implicite aux pratiques
traditionnelles de vie dans les organisations avec une conception de la
vie collective que les plus jeunes n’ont pas forcément apprise. Des
générations de divas abordent ainsi l’entreprise avec le souci d’y faire
leur métier selon leurs compétences en ayant accepté l’idée de jouer le minimum de jeu social et dans le cadre de relations humaines choisies et changeantes.
Les générations de divas savent se soumettre aux lois du marché en
faisant preuve d’une grande « lissitude » quand le marché ne leur est
pas favorable avant de tomber dans l’arrogance quand la conjoncture
s’est retournée. Elles ne sont pas divas par mépris, désintérêt ou goût
de la contestation, mais simplement par manque d’expérience de tous ces engagements et promesses réciproques qui font la réalité de la vie en collectivité avec ceux que l’on n’a pas forcément choisis.
Les divas (surtout les générationnelles) ont aussi souvent tendance à exagérer les causes personnelles de leur échec, même si évidemment elles ne l’avouent jamais. Un manque d’expérience collective empêche parfois de relativiser les difficultés et de les prendre à son propre compte. Ainsi, de jeunes managers peuvent avoir tendance, aux premières difficultés, à quitter la mission managériale pour rejoindre des emplois d’expert protégés de la charge managériale du quotidien, avec la même incapacité à relativiser ce qu’ils vivent, par manque d’expérience collective.
Deuxièmement, les divas agissent souvent selon des valeurs professionnelles ou personnelles. Le médecin à l’hôpital, le professeur ou l’artiste sont des professionnels avec les valeurs attachées à leur art ou à leur profession. Le soin des autres pour le médecin, la recherche académique pour le professeur ou l’esthétique pour l’artiste sont des référentiels profonds qui guident leur action, comme l’expertise qui rapproche le professionnel de ceux qui exercent le même art dans une autre institution. La diva générationnelle n’a pas forcément de valeurs professionnelles mais certainement des valeurs personnelles qu’elle s’est construites, car elle imagine se les être forgées plutôt qu’elle ne les a reçues. (...) Ces valeurs professionnelles ou personnelles sont considérées par la diva comme étant d’un ordre supérieur aux valeurs de l’entreprise. Que vaut la trivialité d’un budget à côté du soin des patients, que serait l’intendance comparée à l’enjeu de la recherche académique et la logistique face à l’expression de ses émotions artistiques ! Par valeurs de l’entreprise, il n’est pas nécessaire d’imaginer les grands mots creux qui fleurissent sur les pages d’accueil des sites Internet corporate : de manière plus triviale, il s’agit simplement pour l’entreprise de faire son travail et d’honorer sa raison d’être. Et c’est bien la préoccupation principale du manager de faire en sorte que le travail soit fait et les objectifs atteints. Il est difficile de fonctionner avec ceux qui ne partagent pas les mêmes valeurs, la difficulté ne fait que grandir quand ils considèrent leurs propres valeurs comme plus importantes que celles de l’entreprise.
Manager des divas requiert donc de la maturité psychologique, un sens de la négociation, de la séduction voire de l’intimidation.
C’est être sensible à l’autre, même quand il a des problèmes que l’on
considère ne pas en être, même quand on est agacé par des questions, des
critiques ou des réactions apparemment extravagantes. La capacité de
distance est bienvenue comme l’humour et les sources de motivation que
les psychologues nomment intrinsèques… Mais les difficultés ne
s’arrêtent pas là : les divas sont des personnes, des individualités,
mais il en existe parfois des groupes entiers.
La génération Y n’a pas forcément développé le sens collectif. Comme les divas, elle exige du manager une prise de recul et un sens de la négociation.
Extraits du livre "Managers en quête d'auteur" de Maurice Thévenet (Manitoba / Les Belles Lettres)
Autre extrait du même livre
Les Y, une génération de divas ?
Un sens du collectif moins développé
Sans doute la question de l’évolution des générations est-elle plus sérieuse. Elle ne concerne pas des mouvements sur une dizaine ou quinzaine d’années mais procède d’évolutions plus profondes et plus lentes. Voir des évolutions sous forme de « divaïsation », c’est reconnaître cette approche très personnelle et singulière du travail du fait que les générations nouvelles n’ont pas forcément développé le sens collectif que le management traditionnel considère comme acquis. Travailler, nous le disions plus haut, requiert une certaine conception de la coopération et du collectif qui ne procède pas de la morale mais du simple constat de la réalité du travail. Il n’y a de travail qu’ « avec », tout n’est que « col-laboration » au sens étymologique du terme. On travaille avec d’autres, le travail de chacun dépend de celui des autres tout comme il l’impacte. Quand des générations anciennes de salariés masculins issus de familles nombreuses accédaient au travail après un séjour à l’école républicaine autoritaire et un temps d’armée, il est certain que l’entreprise recrutait des personnes bien formatées. Ce n’est plus le cas aujourd’hui ; les structures familiales sont éclatées, la consommation de pratiques culturelles et sportives favorise la multiplication des expériences plutôt que l’approfondissement d’un engagement dans un seul domaine. Un jeune de 25 ans peut avoir autant d’années que de lignes sur son curriculum vitae, et en matière d’expérience collective il a ratissé large plutôt que labouré profond. Dans sa famille au périmètre variable, il a développé un sens de réflexivité pour définir sa propre place puisque le collectif d’une famille stable n’était pas un donné.Aucune attente envers l'entreprise
La « génération diva » aborde le travail avec la même approche du collectif, quelque chose qui n’est pas donné mais qui doit être construit par chacun pour lui/elle-même. De manière curieuse, certains spécialistes des ressources humaines ou dirigeants disent imprudemment aux plus jeunes qu’ils doivent être les acteurs de leur carrière. Dit autrement, on leur fait passer le message qu’ils ne doivent rien attendre de l’entreprise : quel message engageant ! Comment peut-on accueillir quelqu’un sans lui dire qu’on l’attendait et qu’on est heureux de le voir ?Les 3 caractéristiques des divas
Minimisation de l'influence extérieure
Les divas ont trois caractéristiques. Premièrement elles ont une vision très personnelle de leur travail et ne doivent leur réussite qu’à elles seules. Une étude sur les stars de la finance qui ont changé d’employeur a montré que leur performance diminuait lors de ce changement. Leur compétence ne s’était certes pas évaporée en traversant la rue pour aller chez le concurrent, mais personne n’avait pris en compte que leur réussite passée relevait évidemment du talent des divas mais aussi de la qualité des équipes, de la performance des organisations, de la qualité des clients ou de la réputation de l’entreprise. La beauté d’une fleur s’explique certes par la qualité de la graine mais aussi par l’ensoleillement, la composition du terreau et le soin du jardinier.Difficultés à braver les difficultés managériales
Les divas (surtout les générationnelles) ont aussi souvent tendance à exagérer les causes personnelles de leur échec, même si évidemment elles ne l’avouent jamais. Un manque d’expérience collective empêche parfois de relativiser les difficultés et de les prendre à son propre compte. Ainsi, de jeunes managers peuvent avoir tendance, aux premières difficultés, à quitter la mission managériale pour rejoindre des emplois d’expert protégés de la charge managériale du quotidien, avec la même incapacité à relativiser ce qu’ils vivent, par manque d’expérience collective.
L'aiguillon des valeurs personnelles au détriment de l'entreprise
Deuxièmement, les divas agissent souvent selon des valeurs professionnelles ou personnelles. Le médecin à l’hôpital, le professeur ou l’artiste sont des professionnels avec les valeurs attachées à leur art ou à leur profession. Le soin des autres pour le médecin, la recherche académique pour le professeur ou l’esthétique pour l’artiste sont des référentiels profonds qui guident leur action, comme l’expertise qui rapproche le professionnel de ceux qui exercent le même art dans une autre institution. La diva générationnelle n’a pas forcément de valeurs professionnelles mais certainement des valeurs personnelles qu’elle s’est construites, car elle imagine se les être forgées plutôt qu’elle ne les a reçues. (...) Ces valeurs professionnelles ou personnelles sont considérées par la diva comme étant d’un ordre supérieur aux valeurs de l’entreprise. Que vaut la trivialité d’un budget à côté du soin des patients, que serait l’intendance comparée à l’enjeu de la recherche académique et la logistique face à l’expression de ses émotions artistiques ! Par valeurs de l’entreprise, il n’est pas nécessaire d’imaginer les grands mots creux qui fleurissent sur les pages d’accueil des sites Internet corporate : de manière plus triviale, il s’agit simplement pour l’entreprise de faire son travail et d’honorer sa raison d’être. Et c’est bien la préoccupation principale du manager de faire en sorte que le travail soit fait et les objectifs atteints. Il est difficile de fonctionner avec ceux qui ne partagent pas les mêmes valeurs, la difficulté ne fait que grandir quand ils considèrent leurs propres valeurs comme plus importantes que celles de l’entreprise.
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