A lire sur: http://www.futura-sciences.com/magazines/high-tech/infos/actu/d/technologie-appareils-fil-batterie-communiquent-eux-48594/#xtor=EPR-17-[QUOTIDIENNE]-20130901-[ACTU-Des-appareils-sans-fil-sans-batterie-communiquent-entre-eux]
Les prototypes conçus par les chercheurs de l’université de Washington. De la taille d’une carte de crédit, ils intègrent un microcontrôleur, une Led, l’antenne de réception pour le signal TV et un émetteur UHF large bande. Chaque appareil puisse son électricté dans le signal radio venu des émetteurs de télévision et peut échanger des informations (à très faible débit) avec ses homologues jusqu’à 10 kilomètres de distance. © University of Washington
Capter un peu de
l'énergie rayonnée par les multiples émetteurs qui nous environnent,
pour la télévision, la radio et la téléphonie mobile, peut suffire à
alimenter des petits appareils simples et capables de communiquer entre
eux. C'est ce que vient de démontrer une équipe de l’université de
Washington qui a créé un réseau fonctionnant sans autre source
d'électricité. De quoi intégrer des capteurs dans toutes sortes
d'objets, des vêtements aux bâtiments. L’un des chercheurs a répondu aux
questions de Futura-Sciences.
Le 31/08/2013 à 11:36
- Par
Ce schéma illustre le principe de fonctionnement de la rétrodiffusion ambiante (ambiant backscatter). Le relais TV (TV Tower)
émet des signaux radio qui sont captés par les étiquettes
électroniques. Sur cet exemple, l’étiquette « Alice » est le
transmetteur (sender). Elle récupère le signal RF grâce auquel elle s’alimente et peut envoyer des informations à l’étiquette Bob (receiver). Le tout fonctionne sans perturber le signal envoyé aux téléviseurs (Legacy receiver). © University of Washington
Le concept d’Internet
des objets va peut-être bénéficier d’une innovation des plus
prometteuses. Doter les objets du quotidien, les bâtiments et autres
infrastructures de capacités de communication afin qu’ils puissent
s’identifier et participer à un réseau d’information est aussi ambitieux
que techniquement ardu. Chaque « objet » doit posséder son système de
transmission et d’alimentation
afin de pouvoir s’identifier de façon autonome sur un réseau
d’information dont les utilisateurs sont les bénéficiaires pour de
multiples usages. Des contraintes importantes qui ne peuvent pas
toujours être adaptées à tous les cas de figure et limitent un
déploiement à grande échelle.
Mais un groupe d’ingénieurs du Sensor Systems Laboratory de l'université de Washington
a peut-être trouvé la solution à ce casse-tête. Ils ont mis au point un
système de communication sans fil où les appareils peuvent échanger des
données sans avoir besoin d’alimentation externe ni de batterie. Le concept baptisé « ambient backscatter »,
ou rétrodiffusion ambiante, se sert des radiofréquences environnantes
comme celles des relais TV ou cellulaires comme source d’alimentation et
de communication. Cela peut permettre à des capteurs ou des étiquettes électroniques (« tags » en anglais) de fonctionner de façon totalement autonome et sans requérir de maintenance.
Inséré dans les objets du quotidien, ce captage
d'énergie ne saurait constituer une puissante alimentation mais
suffirait à ces appareils pour signaler leur position (exemple pour
retrouver ses clés), envoyer des informations sur leur état ou
communiquer entre eux à travers un réseau domestique auquel
l’utilisateur aurait accès depuis son terminal mobile. On peut aussi
l’envisager pour la surveillance d’édifices sensibles (ponts, réseaux
routiers, bâtiments…) en intégrant des capteurs autonomes directement dans la structure. Sur le même principe, de tels capteurs placés dans le béton, la toiture ou les planchers pourraient servir des fonctions domotiques dans une habitation en mesurant par exemple le taux d’humidité et la température.
Les prototypes conçus par les chercheurs de l’université de Washington. De la taille d’une carte de crédit, ils intègrent un microcontrôleur, une Led, l’antenne de réception pour le signal TV et un émetteur UHF large bande. Chaque appareil puisse son électricté dans le signal radio venu des émetteurs de télévision et peut échanger des informations (à très faible débit) avec ses homologues jusqu’à 10 kilomètres de distance. © University of Washington
Prometteur pour les vêtements intelligents
Et l’on songe bien entendu aux vêtements intelligents qui bénéficieraient grandement d’une technologie sans batterie donc moins encombrante et plus durable. « Nous
pensons que la rétrodiffusion ambiante serait idéale pour créer un
réseau de communication proche du corps car elle nécessite nettement
moins d’énergie que les technologies radio conventionnelles (telles que
le Bluetooth ou le Wifi) et qu’elle pourrait sensiblement améliorer l’autonomie des batteries des vêtements intelligents, voire les supprimer », a expliqué à Futura-Sciences Aaron Parks, l’un des membres de l’équipe du Sensor Systems Lab. Le procédé pourrait également être utilisé comme système de secours sur un smartphone.
Si la batterie vient à lâcher, un capteur autonome pourrait utiliser le
signal cellulaire ou TV le plus proche pour permettre d’envoyer au
moins des SMS.
Pour démontrer la viabilité du concept, les
chercheurs ont créé un système complet, en l'occurrence un réseau
d'appareils communicants. De la taille d'une carte de crédit, les unités de ce réseau intègrent un capteur pour le signal TV et un émetteur UHF large bande travaillant à 50 MHz. L’énergie issue des signaux radiofréquence sert à alimenter la carte microcontrôleur, une Led et les capteurs embarqués, des capteurs tactiles capacitifs. Le système repose sur le principe du Morse,
envoyant un bit 0 lorsqu’il absorbe le signal radio et un bit 1
lorsqu’il le réfléchit. Comme aucun contrôleur ne centralise ni
coordonne les informations qui s’échangent entre les différents
capteurs, il a fallu créer un protocole réseau d’accès distribué pour administrer ces flux.
Jusqu’à 10 kilomètres de portée
Les tests ont été réalisés sur des distances par
rapport à la source de radiofréquence allant de 800 mètres à 10
kilomètres. À l’intérieur d’un bâtiment, l’échange entre des capteurs
peut se faire jusqu’à 45,7 centimètres de distance et 76,2 centimètres
en extérieur. Le taux de transfert des données est actuellement de 1
kbit/s, mais il pourrait être supérieur. « Nous avons testé notre
prototype à une vitesse de 1 kbit/s, mais nous avons également fait des
expérimentations qui montrent que l’on pourrait atteindre les 100
kbits/s sur une rétrodiffusion ambiante de courte portée. Cependant, 1
kbit/s est déjà tout à fait suffisant pour de nombreuses applications », précise Aaron Parks.
Il n’y a pas de limite au nombre de terminaux qui peuvent travailler en même temps via ce protocole de communication. « L’information
peut même être relayée par une chaîne de capteurs de façon à étendre le
rayon de communication. Nous avons conçu une technique appelée Carrier
Sense Multiple Access (CSMA) grâce à laquelle chaque capteur "écoute
avant de parler" afin d’éviter d’interférer avec des communications en
cours entre d’autres capteurs proches », précise le chercheur de l’université de Washington.
Le système a été éprouvé avec deux scénarios. Le
premier consiste à transférer de l’argent d’une carte à l’autre. Lorsque
l’utilisateur fait glisser son doigt sur le capteur
tactile alors qu’une autre carte est à proximité, le montant stocké sur
sa carte est automatiquement transféré et une Led clignote pour
confirmer la transaction. Le second scénario est une application
destinée au commerce qui permet à des produits dotés d’un capteur
d’envoyer une alerte lorsqu’ils sont installés sur un mauvais rayonnage.
Des défis techniques à relever
Bien que la technique soit opérationnelle, il
demeure quelques obstacles techniques qui limitent encore un usage en
conditions réelles. Tout d’abord, se pose le problème de la
disponibilité d’un signal radio ambiant. « Parce que nos capteurs se
servent du signal radio à la fois pour communiquer et s’alimenter, le
système ne fonctionnera pas si le signal n’est pas assez puissant. »,
reconnaît Aaron Parks. Si un capteur peut fonctionner jusqu’à 10
kilomètres d’un relais TV, le plus gros défi concerne les communications
à l’intérieur des bâtiments. Les obstacles physiques y sont aussi
nombreux que variés et ils jouent directement sur la qualité du signal.
Pour trouver une solution, les chercheurs planchent sur une réduction de
l’énergie nécessaire à l’alimentation des capteurs.
Il y a aussi la question des interférences que peuvent provoquer ces appareils. L’équipe du Sensor Lab a constaté que tel est le cas si des capteurs
ou des étiquettes électroniques sont placés à quelques centimètres d’un
relais TV. Interrogé par Futura-Sciences au sujet d’un projet de mise
sur le marché de cette technologie, Aaron Parks a répondu que plusieurs
interlocuteurs avaient manifesté leur intérêt, sans donner plus de
précisions. Une commercialisation n’est pas encore à l’ordre du jour
nous a-t-il précisé.