A lire sur: http://www.pcinpact.com/news/81978-du-crowdfunding-pour-adblock-guerre-outils-anti-pub-aura-t-elle-lieu.htm
AdBlock, inspiré par Adblock Plus, le dérivé d'Adblock. C'est simple non ?
AdBlock, qu'il ne faut
pas confondre avec Adblock Plus, vient d'annoncer le lancement d'une
campagne de financement participatif. L'objectif ? Diffuser des
publicités afin de faire la promotion d'un internet sans publicité. Une
décision qui peut apparaître comme étrange, mais qui semble surtout
indiquer que les différents acteurs de ce marché semblent bien décidés à
se démarquer les uns des autres afin d'attirer plus d'utilisateurs.
Si l'on utilise le terme « Adblock »
de manière assez générique lorsqu'il s'agit d'évoquer les outils
permettant le blocage de la publicité, les choses sont bien moins
simples dans la pratique. Au départ, cette dénomination était en effet
utilisée pour une extension Firefox qui a été plus ou moins abandonnée
au début des années 2000. C'est alors un « fork » qui a pris le relai : Adblock Plus, aussi connu sous le petit nom d'ABP.
Adblock, Adblock Plus et les dérivés... une histoire compliquée
Lors de sa création, en 2004, elle a
rencontré un succès assez fort en raison de fonctionnalités
supplémentaires plutôt pratiques : une meilleure interface, la
possibilité de créer et d'utiliser des listes de filtres, la liste
blanche, etc. On en était alors à la version 0.5 et le développeur
principal était Michael McDonald.
Mais une nouvelle scission a eu lieu, et deux visions s'opposaient
alors. Ceux qui voulaient garder la base du code d'Adblock et relancer
le projet, ce qui était son cas, et ceux qui voulaient repartir de zéro.
C'était la position d'un certain Wladimir Palant qui a donc pris en
charge Adblock Plus dès la version 0.6 en 2006. De son côté, McDonald a décidé avec d'autres de recommencer à améliorer Adblock.
La suite est plutôt connue
puisqu'Adblock pour Firefox n'existe plus et c'est désormais ABP qui
fait les gros titres et dispose d'une position de leader de ce « marché
». À l'heure où nous écrivons ces lignes, l'extension est en effet la
plus populaire pour ce qui concerne le navigateur de Mozilla avec 15 169
470 utilisateurs sur les 30 derniers jours. Elle n'est par contre que
seconde sous Chrome avec 24 932 avis et plus de dix millions
d'utilisateurs. Elle est néanmoins présente sur d'autres plateformes
comme Internet Explorer ainsi qu'Android par exemple.
Bien entendu, des dizaines de dérivés
existent, projet open source oblige, l'un des plus célèbres d'entre eux
est sans nul doute Adblock Edge. Il est en effet né à un moment clef de
l'histoire d'Adblock Plus : celui de l'introduction des filtres vantant
la « Publicité raisonnable », ce qui n'avait pas plu à tout le monde à
l'époque. Les récentes questions (voir notre actualité) autour du financement d'EYEO (la société derrière ABP gérée par Palant et Till Faida depuis 2011)
et ce filtre lui on profité, mais au final il ne cumule que 319 721
utilisateurs sous Firefox soit à peu près autant qu'un Adblock Pro, une
autre déclinaison sous Chrome.
AdBlock pour Chrome : un petit nouveau à succès, qui fait dans le crowdfunding
Si tout cela n'était pas assez
compliqué, nous avons aussi eu droit à l'arrivée d'un nouveau projet en
2009 au nom plutôt original : AdBlock. Créé par Michael Gundlach et sa
femme, Katie qui ont eu la chance de tomber sur un nom de domaine qui
sonnait plutôt bien, « Get AdBlock », et ont décidé de se lancer dans
une aventure entièrement dédiée à Chrome puis à Safari et Opera. Il
compte actuellement plus de dix millions d'utilisateurs dans le
navigateur de Google (40 721 avis).
Bien que cela ne soit pas évoqué de
manière claire sur le site (ce que l'on ne pourra que regretter), le
code source est sous licence GPL v3 et disponible sur Google Code.
Mais si ABP a choisi un modèle
hybride, qui s'appuie à la fois sur les dons de ses utilisateurs et les
revenus d'EYEO, le couple a opté pour une approche différente. Ainsi,
AdBlock pour Chrome est présenté comme un « pay-what-you-want software
». Ses utilisateurs peuvent donc l'utiliser gratuitement, mais aussi
payer pour son usage s'ils le souhaitent, pour le montant qu'ils
veulent.
Payer pour retirer la publicité : et pourquoi pas pour financer les sites ?
Dans les deux cas, on ne manquera pas
d'apprécier l'ironie dans le fait de payer un service pour nous
débarrasser de la publicité qui finance pourtant les sites que l'on
visite (voir notre analyse). Même si nous avons toujours été les premiers à reconnaitre les abus de la presse en la matière, ou même les dérives du modèle publicitaire,
il nous semblerait plus intéressant de dépenser toute cette volonté
afin de lutter contre la publicité dans l'éducation des différentes
parties (les sites et leurs visiteurs), l'aide à la conversion à des
modèles sans publicité (Premium, Freemium, Paywall, etc.) et à la
promotion de ceux-ci tant au niveau de leur intégration que de leurs
effets.
Mais ce qui semble préoccuper l'équipe
d'AdBlock pour Chrome, c'est plutôt la notoriété de son outil. C'est en
tous cas ce que laisse penser l'arrivée d'une campagne de communication
qui passe par du financement participatif. On pourrait imaginer que
pour arriver à un tel but, il serait question de l'introduction de
nouvelles fonctionnalités intéressantes dans l'extension, ou d'un
changement de fonctionnement avec, par exemple, l'arrivée d'une liste
noire (on ne fait que « punir » les sites qui abusent de la publicité,
plutôt que de retirer ceux qui nous semblent aller dans le bon sens,
lorsque l'on y pense), etc. Il n'en est rien.
Une publicité qui met en avant AdBlock, ou la fin de la publicité en ligne et le besoin d'un autre modèle ?
Financer une publicité pour lutter contre la publicité sur un site qui affiche une publicité
La campagne qui est annoncée a un but
plutôt inattendu : financer une campagne de publicité. L'équipe détaille
les choses assez clairement sur un site dédié : si plus de 80 millions
d'utilisateurs ont déjà surfé sans publicité sur internet grâce à
AdBlock, il n'est pas connu par sept internautes sur 10 (la source des
chiffres n'est pas précisée). Il faut donc financer une publicité afin
de faire connaître l'outil permettant de lutter... contre les
publicités.
La campagne de décompose en plusieurs objectifs :
- 25 000 $ : le minimum pour que la campagne démarre
- 50 000 $ : une publicité sur un « Billboard » de Time Square
- 150 000 $ : une pleine page dans le New York Times
- 4 200 000 $ : un spot TV pendant le Super Bowl
Actuellement, 1943 contributeurs ont
participé, pour un montant total de 33 865 $, soit une moyenne de 17 $.
Il reste actuellement 27 jours à la campagne pour se dérouler, celle-ci
ne passant pas par une plateforme en particulier, mais par un site mis
en place pour l'occasion.
Aucun détail n'est donné sur la
manière dont seront diffusées les bannières sur les différents sites
pour la campagne en ligne. On sait juste que les donateurs pourront
voter pour les sélectionner. Il sera intéressant de voir si la liste est
publiée une fois l'opération terminée. De nombreuses contreparties sont
proposées, de 1 $ à 13 371,57 $ permettant d'obtenir un t-shirt, un
autocollant, une version personnalisée de l'extension, une discussion
avec les membres de l'équipe, etc.
On s'amusera d'ailleurs au passage que
le site en question fasse la promotion d'un autre projet soutenu par le
couple : Scouter, une application permettant d'exécuter plusieurs
tâches en même temps sur l'écran de votre téléphone :
La publicité c'est le mal. Bon, sauf pour les copains
L'initiative elle-même a-t-elle pour
but de promouvoir l'idéal recherché (la fin de la publicité en ligne) ou
l'outil qui permet d'y arriver sous Chrome (AdBlock) au détriment de
ses « concurrents » ? Là encore, rien n'est détaillé pour le moment.
Mais dans un contexte où Adblock Plus fait souvent les gros titres et
office de référence du fait de son côté multiplateforme, cela donne
l'impression qu'il est surtout question de montrer des muscles face à
une concurrence de plus en plus imposante.
ABP dispose en effet d'une capacité de
communication bien plus forte et même d'agences locales qui lui
permettent de relayer ses évolutions et points de vue (Eliotrope pour la
France). Une manière de gagner du terrain qui pourrait faire du tort à
AdBlock qui a sans doute besoin d'être mis sous les feux de la rampe à
son tour pour continuer de séduire un public plus large. En soi, le
lancement de cette campagne de crowdfunding est déjà l'assurance d'une
mise en avant importante.
Promouvoir un internet sans publicité : oui, mais en posant les bonnes questions
Mais si l'on comprend les motivations
des solutions permettant le blocage de la publicité, on aurait néanmoins
apprécié que l'initiative soit plus complète, car, au final, elle ne
fait que proposer la promotion d'un outil qui ne répond que
partiellement au problème posé. La page du projet de financement indique
en effet une volonté de « remodeler Internet » en supprimant la publicité afin d'en faire un endroit meilleur pour chacun d'entre nous.
Les questions de la FAQ ne se préoccupent que d'AdBlock, mais pas du problème qu'il souhaite résoudre
Vient alors la question du financement
des contenus. Certes, il existe du contenu gratuit et sans publicité de
qualité. Certains blogs ou sites de passionnés en sont le parfait
exemple. C'est d'ailleurs un point qui avait été largement soulevé suite
à notre analyse de l'état du monde des podcasts, et de sa peine pour ce qui est de se professionnaliser.
Mais cette question, AdBlock ne la
pose pas, et ne veut sans doute pas se la poser. Qu'adviendra-t-il de
cet Internet remodelé si tout le financement doit passer par les
lecteurs uniquement ? Arriveront-ils à subvenir aux besoins des sites
qu'ils visitent au quotidien et de rédactions composées de 10, 20, ou
même de centaines de journalistes comme c'est le cas dans la presse
généraliste ? Sinon, est-ce que l'on assistera à une conversion de la
publicité qui sera au cœur des contenus comme cela commence à être le
cas, le tout étant bien plus complexe à bloquer ? Ou est-ce qu'il faudra
en passer par une diversification des revenus qui amènera aussi, sans
doute, son lot de conflits en tout genre ?
On aimerait ainsi que, plutôt que de
chercher à faire financer une publicité pour faire la promotion de son
outil, l'équipe derrière AdBlock pour Chrome cherche à sensibiliser de
manière massive sur les problèmes que pose la publicité lorsqu'il s'agit
du financement des contenus et la promotion de réelles alternatives, à
un niveau global.
Nous avons interrogé l'équipe sur le sujet. Nous sommes dans l'attente de leurs réponses.
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