ANTISECHE -
Internet est loin de n’être qu’un espace virtuel. C’est aussi et
d’abord du concret, du solide : des tonnes et des kilomètres de matériel
répandus un peu partout sur la planète, entre ciel, terre et mer. Un
immense bazar, que RSLN vous propose de rendre un peu moins bizarre.
Si vous surfez tous les jours, ou presque, pour vous comme pour la
plupart des utilisateurs, Internet est avant tout une formidable fenêtre
sur le monde : on y travaille, découvre et s’y amuse. L’idée est certes
juste, mais elle occulte le reste. Car à force d’avoir la tête dans le
nuage, on en oublie parfois que le réseau des réseaux est avant tout là,
sous nos pieds !
Alors, de quoi est-il fait ? Quelles sont ses mensurations ?
Continue-t-il de grandir? On vous propose une petite géographie de ces
tubes qui, mis bout à bout, exaucent comme par magie n’importe laquelle
de vos requêtes...
> Internet, cet immense espace “verre”
Aussi étrange que cela puisse paraître, l’unité de base d’Internet
n’est pas le bit, mais le verre. Des tonnes de verre. Pourquoi ? Parce
que le verre est un excellent conducteur pour la lumière, qui transporte
les précieuses informations faites de 0 et de 1. Sans lui, Internet ne
pourrait donc pas apporter “ses lumières” partout où il se répand...
Le verre utilisé par les ingénieurs est le plus pur possible pour
éviter un maximum toute déperdition du signal lumineux. Chauffé à très
haute température - plus de 2000 degrés - le verre est fondu pour mieux
l’étirer sous la forme d’un fil plus fin qu’un cheveux. Et voilà comment
un
tube massif et translucide
se transforme en une bobine de plusieurs centaines de kilomètres de
fibres optiques. Rien de sorcier, donc, comme le rappelle le journaliste
Andrew Blum, auteur du livre
“Tubes : A Journey to the Center of the Internet”, et qui a enquêté pendant deux ans sur la structure du réseau :
“Pour faire simple, Internet est fait d’impulsion de lumière. Ces
impulsions peuvent sembler miraculeuses, mais il n’y rien de magique.
Elles sont le fruit de puissants lasers disposés dans des coffres en
acier, eux-mêmes abrités dans des bâtiments la plupart du temps
banalisés. Ces lasers existent. Ces coffres existent. Ces bâtiments
existent. Internet existe : il a une réalité physique, une
infrastructure essentielle.”
Voilà de quoi démystifier un peu notre quotidien ! Même si le défi
technique n’en reste pas moins impressionnant. Les câbles de fibre
optique sont les “autoroutes” d’Internet et en forment l’épine dorsale.
Gainés de jaune et noir, de la grosseur d’un bras, ils traversent les
océans et relient les continents entre eux. Ils sont près de
250 à parcourir ainsi les océans, et s’étalent sur au moins un million de kilomètres. Vingt fois le tour de la Terre.
Tout cela a bien entendu un coût, supporté par des consortiums
qui mêlent plusieurs acteurs privés - souvent des opérateurs télécoms,
ceux qui possèdent les “tuyaux” -.
Sur France Culture,
Marie-Noëlle Laveissière, directrice des réseaux internationaux chez
Orange, explique par exemple que “Ace” - chacun a son nom - est un des
derniers câbles dans lequel son groupe a investi. Il relie la France à
l’Afrique du Sud, et dessert plusieurs pays africains au passage.
Facture totale ? 700 millions d’euros.
Ces sommes, souvent colossales, sont à relativiser au regard des
bénéfices évidents que Internet apporte. Un seul exemple : la première
dépêche envoyée par télégramme depuis les États-Unis, à la fin du 19ème
siècle, coûtait environ 100 dollars. Un montant à comparer avec le prix
de l’envoi d’un e-mail aujourd’hui : quasiment rien.
> Attention, fragile ?
Qui dit réseau physique, câbles, fils et fibres, dit donc failles potentielles. On pourrait donc
“couper” Internet, au sens propre ?
Oui, et les accidents ne sont pas rares : travaux malencontreux,
catastrophe météorologique, filet de pêche qui racle le fond des mers,
voire une
simple grand-mère armée d’une pelle,
tous ces exemples existent. Cependant, il faut savoir que les câbles
maritimes comme terrestres peuvent avoir leur jumeau. Ensuite, les
interventions en urgence pour “réparer l’Internet” sont rapides - en
moins de 48h, même en pleine mer - puisqu’il est possible de localiser
la faille au kilomètre près.
Enfin, il ne faut pas oublier que la structure réticulaire
d’Internet constitue dans ces cas là un immense atout. Les routeurs, ces
machines qui scindent l’information en différents paquets, peuvent
trouver un autre chemin quand il y a un “incident” sur la voie
principale. Cela vaut bien sûr pour les zones les plus densément
reliées, comme l’Europe ou l’Amérique du Nord. Ailleurs, dans les
endroits plus isolés, comme en Polynésie française où un seul câble est
relié l’archipel, un incident serait plus préoccupant.
En tout état de cause, il y a donc moins à craindre d’un crash
physique d’Internet que d’une réelle volonté politique de couper l’accès
du réseau de tout un pays. Par exemple, en faisant pression directement
sur les fournisseurs d’accès,
comme cela s’est vu lors des révolutions des Printemps arabes.
> Des besoins en débit toujours plus grands
Si les câbles maritimes sont des autoroutes, cela veut aussi dire qu’Internet est fait de routes nationales,
voire des départementales.
En France, encore aujourd’hui, le réseau terrestre n’est pas en fibre
optique mais reste encore largement cuivré. C’est tout simplement le
même qui nous servait à passer un bon vieux coup de fil. Il a certes
fait beaucoup de progrès, par des mises à jour d’ordre logicielle, comme
avec l’apparition de l’ADSL et son développement fulgurant au début des
années 2000.
Mais pour passer du haut débit au très haut débit (THD), il faudrait
donc aménager de nouvelles portions d’autoroutes optiques sur le
territoire. Aujourd’hui, le THD concerne pour l’instant moins 400 000
des foyers en France en 2013, sur un total de 25 millions. Le
gouvernement a d’ailleurs prévu de dépenser
20 milliards d’euros pour démultiplier ce chiffre en 2020, pour atteindre (très idéalement)
100% des foyers d’ici là.
Quels que soient les moyens mis en oeuvre, il est évident que l’investissement en vaut la chandelle quand on voit le
nombre toujours plus vertigineux de données échangées.
D’après l’institut d’études en télécommunication TeleGeography, le
besoin en bande passante des échanges numériques ont crû de 40% en 2012
dans le monde. En août 2013, il existait plus de
716 millions de sites Internet enregistrés : c’est vingt fois plus qu’il y a dix ans.
La croissance des serveurs de données, qui constituent une autre des
facettes de l’Internet “physique”, sont le reflet de cette demande
galopante. Certaines fermes de serveurs s’étalent ainsi sur l’équivalent
de trois stades de foot. Et d’ores et déjà, on estime qu’ils
consomment près de 2% de l’électricité mondiale pour satisfaire les requêtes des internautes.
> Bientôt à la conquête de l’espace ?
Nous avons évoqué l’Internet des mers et des terres, qu’en est-il des
airs ? De plus en plus les connexions sont “mobiles”, et l’apparition
progressive de la norme 4G en France devrait permettre d’avoir du haut
débit sur son smartphone un peu partout. Les réseaux télécoms mobiles
sont d’ailleurs une chance pour les territoires dépouillés de réseau
filaires, comme en Afrique. Là-bas,
Internet passe d’abord par le ciel.
Autre solution : les satellites. Ce moyen était déjà utilisé pour
raccorder des endroits éloignés de tout, comme les îles. Aujourd’hui,
des projets comme
O3b,
ambitionne d’envoyer plusieurs engins en orbite moyenne autour de la
Terre, pour couvrir les zones laissé de côté par les réseaux filaires.
Des initiatives louables, qui jouent la complémentarité avec le reste
des infrastructures. Cependant, cette technologie reste dans l’absolu
plus coûteuse et moins fiable que les câbles.
Mais mieux vaut un peu de connexion que pas du tout. Début 2013,
environ 2,5 milliards d’êtres humaines disposaient d’une connexion
Internet, mais les 4,5 milliards restants attendent toujours d’en voir
la couleur.